mardi 25 octobre 2016

"My indignation is greater than my fear" , Jennifer Clement, Présidente internationale de PEN



Pour la première fois de son histoire bientôt centenaire (créé en 1921 à Londres...par une femme écrivain, Catherine Amy Dawson Scott) PEN a élu une femme à sa présidence internationale. La romancière américaine Jennifer Clement, présidente internationale de PEN, vit au Mexique où elle n’a de cesse de dénoncer les meurtres de journalistes et les enlèvements de petites écolières. Ainsi, pour dénoncer ce dernier fléau dont l’impunité fait scandale, Jennifer Clement le raconte dans un de ses récents romans poignants : « Prières pour celles qui furent volées »
Jean Jauniaux, Président de Pen Belgique a interviewé Jennifer Clement en marge du Congrès international de PEN qui réunissait sa 82 ème session à Ourense, en Galicie.
L’interview a été enregistrée en anglais, dans un environnement sonore assez bruyant. Cet entretien est accessible sur espace-livres

La retranscription  en anglais est disponible ci-dessous. 

Si le témoignage de Jennifer Clement vous incite à en savoir davantage sur PEN et son centre francophone belgePEN Belgique, pourquoi ne pas nous rendre visite sur le site ?

Edmond Morrel, le 25 octobre 2016

"Mon indignation est plus forte que ma peur" Jennifer Clement, romancière, Présidente internationale de PEN




Pour la première fois de son histoire bientôt centenaire (créé en 1921 à Londres...par une femme écrivain, Catherine Amy Dawson Scott) PEN a élu une femme à sa présidence internationale. La romancière américaine Jennifer Clement, présidente internationale de PEN, vit au Mexique où elle n’a de cesse de dénoncer les meurtres de journalistes et les enlèvements de petites écolières. Ainsi, pour dénoncer ce dernier fléau dont l’impunité fait scandale, Jennifer Clement le raconte dans un de ses récents romans poignants : « Prières pour celles qui furent volées »
Jean Jauniaux, Président de Pen Belgique a interviewé Jennifer Clement en marge du Congrès international de PEN qui réunissait sa 82 ème session à Ourense, en Galicie.
L’interview a été enregistrée en anglais, dans un environnement sonore assez bruyant. Cet entretien est accessible sur espace-livres
Une version retranscrite en anglais et une traduction en français sont disponibles ci-dessous. 


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Edmond Morrel, le 25 octobre 2016



Interview Jennifer Clement – Présidente de Pen International 


« L’indignation plus forte que la peur » : interview de l’écrivain Jennifer Clement, Présidente de Pen International

Le 82ème Congrès de Pen International, s’est déroulé du 26 septembre au 2 octobre dans la ville espagnole d’Ourense. En qualité de président du nouveau centre francophone belge, Pen Belgique, Jean Jauniaux a participé à l’ensemble des travaux de ce congrès. Au cours de celui-ci, le nouveau Pen Belgique a été formellement intégré dans le réseau des centres nationaux de PEN lors d’un vote unannime de l’Assemblée générale. Des missions de représentation de Pen International seront confiées à Pen Belgique, notamment auprès des institutions européennes basées à bruxelles et auprès de l’Organisation internationale de la francophonie (O.I.F.). Pen Belgique a également intégré le Comité des Droits linguistiques[1] et le Comité des écrivains pour la Paix[2].
Jean Jauniaux a profité de ce congrès pour interviewer Jennifer Clement[3], présidente du Pen International. Dans cet entretien, Jennifer Clement nous parle des défis qu’elle a rencontré tout au long de son travail au Pen Mexico, centre duquel elle a été la présidente de 2009 à 2012, ainsi que de certains des enjeux majeurs auxquels elle est confrontée depuis 2015 en tant que présidente du Pen International. Par ailleurs, elle aborde également son travail d’écrivain dans lequel elle applique d’une certaine manière, comme dans son travail au Pen, cette formule aux allures de maxime : « mon indignation est plus forte que ma peur »…
Marie Gustot, responsable communication Pen Belgique[4]

Jean Jauniaux : Jennifer Clement, je suis très heureux de vous rencontrer, dans cette atmosphère un peu bruyante parce que nous sommes en train de préparer la clôture du 82ème congrès de Pen International dont vous êtes la présidente. En 2021 Pen International va célébrer son centenaire, et il a fallu attendre 2015 pour voir une femme présider Pen International. Pourtant, c’est une femme qui a créé Pen International…
Jennifer Clement : C’est vrai, c’est étrange parce que ça a été créé par une femme… Pour moi c’est un grand honneur, je n’ai jamais imaginé faire cela. J’étais très impliquée dans les problèmes au Mexique, et en fait en tant que présidente du Pen Mexico, je devais me consacrer entièrement aux exécutions de journalistes, je ne pouvais rien faire de littéraire alors que c’est mon activité principale, mais vous savez, rien que cette année nous avons déjà eu neuf journalistes tués alors… Mais une des choses qui se s’est passée, même si j’avais toujours cru très profondément en Pen et j’étais déjà membre de Pen depuis longtemps, et j’étais à Miami pour la création de centre cubain de Pen en exil, mais j’ai vraiment senti le pouvoir de Pen parce que nous avons eu un problème très grave au Mexique, qui a été l’exécution d’un journaliste qui a été un crime d’Etat et non un crime fédéral, donc ce qui se passait très souvent, c’était que les criminels investiguaient leurs propres crimes. Il était donc très important que cette loi change, et même s’il n’y a eu aucun changement avec le changement de loi, symboliquement ça a été extrêmement important. Donc toutes ces organisations, comme Article 19, CPG ou Amnesty International, etc. avaient essayé de changer la loi, et ce qui a réellement provoqué le changement, c’est quand j’ai décidé de faire une campagne de honte sur le gouvernement, et il y a une incroyable force de ce type de pression intellectuelle mondiale sur un gouvernement. Donc immédiatement j’ai eu tous les gagnants du Prix Nobel, les présidents de chaque centres dans le monde, tous les grands écrivains, les membres de l’Académie Suédoise, exigeant que la loi soit changée, et cela a été le catalyseur. J’ai donc pu voir comme Pen peut réellement créer d’énormes changements, et je suis aussi très émue par cette organisation, car il s’agit probablement de la seule organisation qui ait duré presque cent ans et où tout le monde travaille pro bono, et c’est notre grande fragilité, mais aussi notre grande force.
JJ: Jennifer Clement vous êtes aussi une romancière et une poète. J’aimerais qu’on évoque aussi cet aspect-là de votre personnalité dans le monde de la littérature. Qu’apporte le fait d’évoquer par la littérature une problématique comme l’enlèvement des journalistes ou des petites filles enlevées au Mexique, que vous avez évoqué dans votre roman Prayers for the stolen… Le roman ouvre une sensibilité nouvelle chez le lecteur ou chez l’auteur ?
JC: Chez l’auteur… Cela prend beaucoup de temps de savoir qui on est. Je veux dire, je pense toujours à cette citation merveilleuse qui disait « ça prend du temps de se ressembler à soi-même ». C’est seulement maintenant que je suis capable de réexaminer mon travail, maintenant que j’ai plusieurs romans et recueils de poèmes, et des mémoires, que je suis capable de voir que j’ai toujours écrit sur les personnes non-protégées, c’est toujours dans ce sens-là que je vais. Je ne m’étais pas rendue compte de ça. Et l’autre chose que j’ai découvert sur moi-même et que je ne savais pas non plus, je ne le savais pas jusqu’à ce que je sois présidente de Pen, même si mes enfants disent qu’ils le savaient, c’est que mon indignation est plus forte que ma peur.   
JJ: Ce serait un slogan formidable pour Pen International : « L’indignation est plus forte que la peur ». Comment construisez-vous un roman comme Prayers for the stolen. La recherche documentaire précède l’invention des personnages comme cette Ladydi, une petite fille de treize ans ? Comment procédez-vous ?
JC: Je ne savais pas que j’allais écrire ce livre. Je savais que je voulais écrire un livre… Je voulais comprendre de quelle manière la violence au Mexique affectait les femmes. Et nous avons maintenant au Mexique un genre littéraire que nous appelons la Literatura de narco. Il s’agit d’une littérature écrite par les hommes et les protagonistes tendent à être exclusivement des gommes. Les femmes sont en général les prostituées, les go-go danseuses, les épouses laissées à la maison… des figures très cliché. Au début, j’ai interviewé pendant presque trois ans des femmes de trafiquants de drogue. Elles ont pris une place très importante dans mon livre. Une fois que je me suis rendue compte du sujet du libre, je savais exactement où ces filles étaient emmenées : les femmes des trafiquants de drogue m’ont tellement raconté. Alors une chose dangereuse est arrivée : quand mon roman est sorti un magazine, qui est le plus important magazine d’actualité au Mexique, a publié comme actualité, pas dans les pages culturelles, pas dans les pages de critique littéraire ou les pages livres, mais dans l’actualité, ils ont reproduit mot pour mot mon chapitre sur les ranchs dans le nord du Mexique qui appartiennent aux trafiquants de drogue. J’ai dû quitter le Mexique. Je suis partir pendant presque deux mois, parce qu’il était très inquiétant que mon roman soit traité comme de l’actualité.
Je n’ai jamais imaginé que ça arriverait. Mais j’imagine que les éditeurs se sont rendu compte que je savais de quoi je parlais. Le début des recherches, c’était parlé aux femmes des trafiquants de drogue, mais quand j’ai entendu l’histoire, une mère me l’a racontée, de comment ils enlevaient des petites filles, des filles pubères, et comment ces trafiquants, ces trafiquants du commerce sexuel, roulaient dans la campagne pour chercher des petites filles à voler, et comment, dans ces endroits très pauvres, les gens creusaient des trous dans le sol, et quand ils voyaient ces hommes arriver avec leurs grosses voitures et leurs camions en cherchant des filles, les gens cachaient leurs filles dans le sol. Pour moi, immédiatement, ça a été d’une part une image d’une tombe vivante, être enterré vivant, et d’autre part, c’était comme un terrier à lapins, des lapins sous le sol. Je n’ai pas pu dormir pendant des jours, et puis j’ai su que ça serait mon histoire, ce qui est logique pour moi puisqu’il s’agit des personnes les moins protégées et les plus vulnérables du pays. Donc mon livre s’est fait sur eux.
JJ : Avant de revenir à l’activité littéraire de poète cette fois-ci, j’aimerais qu’on évoque le congrès qui vient de se terminer. Parmi les points à l’ordre du jour figuraient le droit d’auteur, the copyright manifesto, et les droits linguistiques. J’aimerais que vous évoquiez ces deux aspects qui sont peut-être les moins connus de l’activité de Pen.
JC: C’est très important pour moi de faire des choses. Ça ne m’intéresse pas d’être présidente et de ne rien faire, et au moins si les choses ne changent pas, on en parle. Donc pour moi, en fait, à la première réunion que j’ai eue avec mon directeur exécutif, j’ai dit tu sais, une des premières choses que je pense que, en tant qu’association d’écrivains, la plus ancienne et la plus grande dans le monde, nous devons régler la question du droit d’auteur, parce que nous sommes dans une époque très vulnérable, d’un côté on peut reproduire des millions de copies et l’auteur pourrait ne jamais le savoir, mais encore pire, les copies peuvent être censurées et l’auteur ne le saurait jamais. Ton livre peut être censuré et tu peux ne jamais l’apprendre. Et l’autre chose, évidemment, est que ces énormes entreprises comme Google ou Facebook ou Amazon, elles sont capables de payer des lobbyistes pour aller au Congrès des Etats-Unis, à l’Union Européenne, au Parlement du Royaume-Uni, et faire du lobby pour affaiblir le droit d’auteur. J’ai donc trouvé que c’était très important pour nous, en tant qu’organisation, de défendre le droit d’auteur et de créer un document. La raison pour laquelle c’est dans ce format est que ça devait être un document qui ait cette gravité, qui puisse être utilisé dans un tribunal n’importe où, et même comme plaidoyer. Il aurait ces deux côtés. Je suis très heureuse qu’il soit passé, je pense que c’est un grand moment pour Pen. Beaucoup de gens qui défendent le droit d’auteur vont être très heureux, parce que souvent les gens disent que les auteurs s’en fichent de ça. Mais ce n’est pas vrai. En ce qui concerne les droits linguistiques, c’est une partie très importante de Pen, parce que tellement de langues sont en train de disparaître, et vous savez, la langue fait partie du fait d’avoir une voix, d’être capable de s’exprimer, dans sa propre langue. Historiquement, ça a toujours été une part importante de Pen, mais elle devient de plus en plus grande et de plus en plus forte.
JJ: Votre activité littéraire est aussi centrée sur la poésie. À quel moment sensibilité vous conduit-elle à écrire de la poésie plutôt qu’un roman ?
JC: Depuis que je suis petite fille, j’écris de la poésie et j’ai toujours été passionnée par la poésie. Je dis toujours que la poésie est ma religion, dans le sens où c’est là où je trouve la réponse au mystère des choses, à ce que je fais ici, c’est ce que j’aime vraiment. J’essaie toujours, même dans mes romans, d’entrer par les portes de la poésie. Je veux dire, les critiques sur mon travail sont toujours… les critiques littéraires tournent toujours autour du fait que mon travail se concentre sur une intention poétique.
JJ: Vous avez une double culture : américaine, puisque vous êtes née aux Etats-Unis, mais enfant vous avez vécu très vite au Mexique, vous avez suivi votre famille, votre père travaillait là. Qu’est-ce-que ça apporte d’être métissée culturellement dans l’écriture et dans votre engagement ?
JC: J’ai déménagé au Mexique quand j’avais six mois, et comme vous le dites, de parents américains. Et à ce moment-là, le Mexique n’avait pas vraiment un système d’éducation à proprement parler. Tout le monde essayait d’aller soit à l’école suisse, soit à l’école française, ou à l’école anglaise, ou à l’école américaine, ou à l’école allemande. J’ai été à l’école anglaise, j’ai donc eu une éducation anglaise très très stricte. Par exemple, les enfants de Gabriel García Márquez ont été à cette école, et ils ont aussi eu une éducation anglaise très stricte. Il est intéressant de remarquer que DBC Pierre, qui est probablement le seul auteur anglais qui ait gagné tous les prix – le livre du Commonwealth, le prix Joyce, et je ne sais plus, d’autres encore… Il était mon grand ami, on a grandi ensemble au Mexique, et il est aussi allé à l’école anglaise, c’est donc un parfait testament de l’école, quelle parfaite éducation anglaise on a eu. Donc je n’ai pas vraiment eu d’éducation hispanophone. Maintenant mes enfants ont été à la même école, mais c’est une école bilingue maintenant. Et après j’ai été à l’Université de New York, j’ai habité à New York, et c’est là que plus tard j’ai écrit les mémoires Widow Basquiat qui racontent ces années à New York, et d’ailleurs le livre vient de sortir en France.
JJ: La Veuve de Basquiat…un roman consacré au peintre Basquiat. La dernière question que j’aimerais vous poser concerne votre prochain roman Gun Love. Quand peut-on l’attendre et quel en est le thème?
JC: J’ai écrit des articles de journaux, sur les armes. Pour le premier article que j’ai écrit, j’étais allée aux quartiers généraux du NRA[5] et j’ai visité le musée qu’il y a aussi là-bas. J’ai écrit mon premier article sur les armes en 2009, c’est donc quelque chose que j’ai suivi de très près. Et ce roman est un diptyque à Prayers for the Stolen. Dans mon roman, les armes sont présentes. Il y a un personnage dont ils parlent qui s’arrête dans un des villages. Ils disent tous qu’elle est une jeune fille américaine, et c’est donc son histoire. C’est un diptyque, mais ça parle des armes qui arrivent au Mexique, et de la façon dont la violence liée aux armes affecte une mère et sa fille aux Etats-Unis. Pour moi, ça pourrait être mon côté plaidoyer, parce que je suis contre les armes, mais en tant qu’écrivain, pour ce qui est de ma part littéraire, ça a été un gros défi de déterminer comment parler des armes avec la poésie. C’est ça qui était vraiment intéressant pour moi. Donc j’espère que je l’ai fait.
JJ: J’en suis sûr… En 1921, Catherine Amy Dawson Scott, une poète anglaise, crée Pen Club International. En 2021, une femme, grand écrivain, américaine-mexicaine sera la présidente qui va célébrer le centenaire. Comment voyez-vous cette célébration du centenaire ? Comment peut-on l’utiliser pour en faire un nouvel instrument de promotion de Pen et de ses idéaux ?
JC : Dans ce monde, ce dont les gens ne se rendent pas compte, et je ne pense pas que nous avons été capable de bien faire passer le message, ce sont peut-être trois choses. En premier lieu, c’est que Pen n’est pas comme n’importe quelle autre ONG. Les gens doivent comprendre que c’est un groupe de personnes qui ont travaillé pendant presque cent ans parce qu’ils ont une vocation, et c’est très inhabituel, vous savez, dans ce monde, nous sommes tellement matérialistes que c’est difficile de penser qu’il est possible d’avoir 140 centres qui pendant cent ans ont travaillé parce qu’ils croient en ce pour quoi ils travaillent. C’est extraordinaire. Et ça le rend très unique. Et je ne pense pas que les gens se rendent compte de ça, les gens me demandent toujours « tu es la présidente, tu es bien payée ? » et je dis « je ne suis pas payée du tout » et ils sont choqués, ils disent « mais pourquoi tu le ferais ? ». Mais si on a une vocation, c’est très différent. L’autre chose, c’est que tristement, très tristement, cette liberté d’expression fait face à une époque très difficile, et nous luttons pour trouver un équilibre entre liberté d’expression et les discours haineux. Donc peut-être que oui on peut avoir des discours haineux, oui on peut s’insulter les uns les autres, mais il est possible qu’on se blesse aussi les uns les autres, et il est possible d’appeler d’autres personnes pour blesser les autres… Il est très difficile de définir ce que l’on peut faire par rapport à ces problèmes. Donc je pense que Pen est une partie importante de la discussion dans le monde. C’est une époque intéressante pour Pen.
JJ: Je voudrais former un vœu maintenant, pour clôturer cet entretien, c’est que vous continuiez à écrire et que Pen ne dévore pas cette part là de votre travail qui est celui d’écrire. En écrivant vous nous donnez aussi un extraordinaire témoignage de ce que peuvent, et la solidarité, et l’empathie, et l’attention à l’autre, en particulier, en ce qui vous concerne, à ceux qui sont victimes des systèmes dans lesquels ils sont nés par hasard. La littérature, c’est sans doute cela le troisième point auquel vous faisiez allusion…Merci Jennifer Clement, c’était un bonheur de vous rencontrer pendant une semaine lors du Congrès et de vous rencontrer maintenant.
JC: Merci beaucoup. La littérature était effectivement le troisième point…

Interview: Jean Jauniaux Président de Pen Belgique
Transcription: Marie Gustot, responsible communication Pen Belgique

samedi 8 octobre 2016

Florence Noiville, l'art du portrait littéraire


"Écrire c’est comme l’amour"
Portraits littéraires par 
Florence Noiville
Editions Autrement




Florence Noiville est écrivain.
Beaucoup pensent qu’elle est journaliste et critique littéraire, spécialiste de littérature étrangère contemporaine au journal "Le Monde".
Ils se trompent. A plusieurs reprises elle l’a démontré  en publiant trois romans chez Stock, un récit biographique consacré à Isaac B. Singer et deux recueils de portraits d’écrivains "So British" (Gallimard) et "Literary Miniatures"(Seagull Books). 

C’est à propos de ce dernier ouvrage, composé de portraits initialement publiés dans Le Monde, puis édités outre-Atlantique, et enfin revenus vers nous dans leur version originale sous la couverture des Éditions Autrement, que nous sommes allés à la rencontre de celle qui n’a pas choisi par hasard le titre de son livre, même si elle l’a emprunté à un de ses modèles :"Écrire c’est comme l’amour". A l’enchantement de la lecture s’est ajouté celui de la rencontre avec celle dont nous allons essayer de faire le portrait...

Comme avant chacune de mes rencontres avec l’auteur d’un livre,  même si j’ai lu et relu l’ouvrage qui me vaut de le/la rencontrer, je ne cesse de couvrir de notes les feuillets de mon cahier Atoma (un brevet belge a été déposé en 1948 pour protéger l’invention de ces cahiers aux pages amovibles), de les déplacer à l’intérieur du cahier, de les raturer, de les surcharger de projets de questions, de schéma conducteur de l’entretien, tout en feuilletant le livre, dont m’envahit l’angoissante sensation d’en avoir tout oublié. J’ai profité d’un séjour à Paris pour programmer cet entretien, m’inscrivant ainsi inconsciemment dans la démarche que Florence Noiville a choisie pour réaliser de ses interlocuteurs un « portrait qui n’est ni factuel ni « people » mais (qui) cherche à éclairer l’émotion première – angoisse, déchirement, frustration, interrogation, colère, fantasme…-, bref , l’obsession qui constitue la force motrice de tout processus créatif, cette force autour de laquelle se noue le dialogue entre l’homme et l’œuvre (…) » 

Assis à la terrasse d’un restaurant italien , dont le garçon a reçu pour consigne d’orner chacune de ses phrases d’un ou deux mots chantés dans la langue de Dario Fo (un des portraits littéraires du livre qui me nargue sur la nappe en papier inondée d’eau de San Pelegrino, « Perdone, Monsieur, perdone »), j’essaie de me convaincre que je suis prêt à aller au rendez-vous fixé à une centaine de mètres de là où je me trouve, le centre Wallonie Bruxelles, face à Beaubourg. Bien sûr, j’avais la veille demandé à disposer d’un bureau calme et silencieux, ne voulant être parasité par rien qui me distrairait des dizaines de questions qui continuaient de m’assaillir sans discontinuer , et qui surgiront, je l’espère, lors du face à face.
A l’heure fixée moins dix minutes, j’entre dans la librairie du Centre Wallonie Bruxelles,  me présente et m’inquiète de l’endroit réservé pour l’enregistrement. Bien entendu, personne ne semble au courant de cette réservation. J’en oublie toutes mes questions, feuillets Atoma, paperolles et autres post-ists pour clarifier au plus vite le problème. Apparaît alors mon auteure, le regard dissimulé derrière de grandes lunettes noires . Nous nous embrassons (c’est toujours préférable à se serrer la main et puis je suis belge, en Belgique on fait la bise ), elle m’offre un exemplaire du Monde (« Il vient de sortir de presse »), j’essaie de dissimuler la désorganisation qui me hante, je songe à un autre passage de la préface de son livre (« Parfois, une fois au pied du mur, lorsque je me trouvais face à l’écrivain, j’étais toujours envahie par la timidité. Toutes les questions qui me venaient à l’esprit me paraissaient stupides ou dérisoires. »} ), je me rassure enfin en voyant arriver Pierre Vanderstappen qui avait organisé l’hébergement de l’interview. « Je vous ai réservé une loge »  confirme-t-il.
Nous nous retrouvons  dans une loge équipée de tout le confort nécessaire aux artistes (lavabos, boissons, grands miroirs de maquillage, frigo etc). Je dépose  mon cahier Atoma sur le rebord d'un lavabo, allume mon micro (« Ai-je bien remplacé les piles ? »  est une question muette qui agrémente souvent cet instant-là…) et m'entends articuler la première question qui m’a bien surpris (elle ne figurait nulle part dans mes notes), : « Florence Noiville, la préface du roman « Pierre et Jean » de Maupassant est une formidable master class pour les apprentis romanciers, j’ai eu le sentiment qu’il en allait de  même en ce qui cncerne la préface de vos portraits littéraires : une master class pour ceux qui aimeraient, comme vous le faites si bien, dénouer l’enigme de l’écriture romanesque… »

Quarante minutes plus tard, l’entretien s’achève que vous allez écouter ici.

Nous nous rendons compte que nous sommes enfermés dans l’espace cinéma du centre Wallonie Bruxelles dont nous délivre un sémillant opérateur, jailli de l’écran comme dans un film de Woody Allen. Nous nous attardons dans la salle d’exposition et dans la lumière des toiles de Paul Delvaux, nous prenons congé, non sans avoir fixé le prochain rendez-vous, à Bruxelles cette fois, au Palais des Académies.

 L’invitée de la rencontre que j’animerai le 19 décembre (notez la date... 18h Palais des Académies ) dans le cadre de PEN Belgique sera Florence Noiville, à qui je pourrai poser toutes ces questions qui attendent encore dans l’encombrement de mon cahier Atoma, à propos des écrivains que ce livre nous donne une stimulante envie de lire, toutes affaires cessantes.

Florence Noiville est écrivain. Lorsqu'elle parle de ses pairs, elle nous donne par le miracle ciselé de portraits dessinés avec le coeur, l'envie irrésistible de les découvrir, lire ou relire. Ce livre-bibliothèque qu'elle nous donne aujourd'hui, nous ouvre à la confiante intimité des plus grands écrivains qu'elle a réussi à conquérir et qu'elle partage avec passion et gourmandise.

Edmond Morrel, Bruxelles, le 15 septembre 2016

Pour écouter l'interview, il suffit de se rendre sur espace-livres, where else? 

Nous avions aussi rencontré Florence Noiville à la parution de son roman "L'attachement". L'interview est toujours en ligne