samedi 2 décembre 2017

"La face cachée de Waterloo" vue par Arinouchkine

La face cachée de Waterloo 
Sergueï Arinouchkine


Traduction Helena Knyazeva



En évidence sur la quatrième de couverture, deux citations éclairent le projet de Serguei Arinouchkine et le titre qu'il donne à sa vision d'une des batailles les plus emblématiques de l'histoire européenne: "La face cachée de Waterloo". Voltaire distinguait la fable de l'histoire en ceci sue "l'histoire est le récit des faits donnés pour vrais, au contraire de la fable qui est le récit des faits donnés pour faux". Napoléon Bonaparte, plus cynique, s'interroge: "Qu'est-ce que l'histoire, sinon une fable sur laquelle tout le monde est d'accord?" 
Une des caractéristiques de la bataille de Waterloo et, plus amplement, de Napoléon réside dans l'inépuisable capacité dé fabulation qu'ils ont engendrée. Il suffit de citer quelques titres dans la littérature ("Les Misérables", "Le curé de campagne", "Le colonel Chabert", "Guerre et Paix" etc.) ou dans le cinéma pour s'en convaincre.
L'approche de l'Histoire par la fable (ou la fiction), permet d'aborder un événement aux répercussions aussi telluriques que la bataille du 18 juin 1815, en plaçant le regard à hauteur d'homme. Lire dans "Les Misérables" la façon dont les Thénardier allient au lendemain de la bataille dépouiller les cadavres et les blessés agonisants, nous dit sur l'épouvantable carnage qu'ont été les combats bien davantage que les études historiques ou géo-politiques qui ont pourtant abondé dès le lendemain des affrontements. 
Dans la "Face cachée de Waterloo", Sergueï Arinouchkine nous donne une vision de la bataille qu'il place à hauteur d'homme, ou plutôt à hauteur de deux protagonistes du 18 juin. Le premier d'entre eux est l'empereur lui-même dont il approche au plus près du visage et du regard tandis qu'une voix intérieure nous laisse entendre les doutes qui envahissent celui qui songe "je ne peux compter que sur moi même et mes soldats". L'empereur doute de ses maréchaux, de leur intelligence, de leur perception stratégique. En revanche, ses "enfants", ses soldats lui inspirent une dévotion comparable à celle qu'ils lui vouent. Et c'est là le second point de vue qu'adopte Arinouchkine, se plaçant littéralement au coeur de chaque assaut, couché dans la boue, pour mieux donner à voir (à entendre!) le tremblement de la terre sous les sabots des chevaux, se jetant dans la mêlée pour capturer la terreur dans le regard des fantassins, découpant les planches en autant de vignettes horizontales ou verticales pour que le lecteur, comme lui, se retrouve dans la ligne de mire de l'ennemi. Il y a ici une efficacité vertigineuse dans l'art d'Arinouchkine à faire d'un épisode de l'histoire de l'humanité, le tableau universel des affrontements guerriers.
Du 18 juin 1815 il nous donne une vision hallucinée qui s'appliquerait avec autant de justesse et d'efficacité effroyable à tous les conflits de l'Histoire. C'est en cela peut-être que la Fable nous instruit non sur l'événement mais sur l'homme, non sur l'histoire, mais la nature humaine.
Un carnet de croquis complète ce premier volume de "La face cachée de Waterloo". Il nous dévoile l'atelier de l'artiste sans jamais révéler le secret de ces regards hallucinés qu'il donne aux soldats dont, pour les novices, l'espérance de vie sur les champs de bataille est de trois minutes.

Voici un album qui démontre, une fois encore, que la bande dessinée est un art, à part entière.


Jean Jauniaux, Bruxelles le 2 décembre 2017



Tandis que ses troupes se regroupent autour de Waterloo, Napoléon, face à lui même, anticipe et pense à la stratégie qu’il va adopter pour cette bataille. Andreï Arinouchkine nous livre ici un travail graphique délicat d’une très grande minutie retraçant avec exactitude le déroulé de la célèbre bataille. La mise en scène cinématographique donne l’occasion pour tout un chacun de revivre la bataille de Waterloo au coeur des troupes de Napoléon. 
-Petit plus pour les amateurs de dessin : un cahier graphique vient ponctuer le premier tirage de l’album.

Au programme : des crayonnés et des recherches de l’auteur.


Biographie sommaire d'André Arinouchkine sur le site de Casterman (qui a publié "L'Oiseau de feu")

Andréi Arinouchkine naît à Minsk en août 1964. Il sort diplômé de l'École d'art de cette même ville en 1983, avant d'entrer à l'Académie des Beaux-Arts de Biélorussie dont il obtiendra le diplôme en 1993. Dès 1993, Waterloo, une bande dessinée de 84 pages est publiée par Makhaon, une maison d'édition moscovite. Il réalise, dans l'édition russe, plus de 120 couvertures de romans (science-fiction, policier ...). Kharvest, un éditeur de Minsk, publie, en 1994, 27 de ses illustrations pour les contes de V. Gaouph, ainsi que l'ensemble de son travail autour de Walter Scott, en 1995. Il illustre également des livres pour enfants chez Cavaler. En 1999, il collabore pour la première fois avec le scénariste français Corbeyran, afin de nous donner une version révisée, bien que fidèle, du très traditionnel conte russe L'oiseau de feu, aux éditions Casterman.