samedi 17 mars 2018

Jacques De Decker: l'arroseur arrosé! Rencontre aux Riches Claires le lundi 19 mars 2018 à 18h30

Les "Coups de Midi" ont vingt ans!
Un anniversaire célébré aux Riches-Claires
le lundi 19 mars à 18h30

24, rue des Riches Claires - 1000 Bruxelles

Un "coup de midi" exceptionnel avec Jacques De Decker



L'anniversaire des Coups de Midi de la Bibliothèque des Riches Claires animés depuis vingt ans par  Jacques De Decker se célébrera au Théâtre des Riches Claires  le lundi 19 mars à 18h30. Cette soirée jubilaire sera animée par Jean Jauniaux célébrant les presque 200 rencontres littéraires que Jacques De Decker a animées lors de ces rencontres incontournables de la vie culturelle belge.

Cette soirée organisée par la Bibliothèque des Riches Claires (qui accueille depuis vingt ans les Coups de Midi) et par sa directrice Marie-Angèle Dehaye, sera une belle et festive occasion d’interroger « l’autre Grand Jacques » cette fois-ci sur son oeuvre…et de le soumettre à la question (et aux interrogations formulées par certains des auteurs qu’il a mis sur la sellette au cours de ces vingt années…Il y aura du beau monde...).

A n’en pas douter, Jean Jauniaux qui fera office de Monsieur Loyal, aura à cœur d’aborder les multiples facettes de cet Arlequin adepte intarissable et infatigable de toutes les curiosités

Cett fois-ci, JDD devra parler de lui, de son travail, de ses livres…L’arroseur arrosé en quelque sorte

Edmond Morrel, Bruxelles le 17 février 2018



Jacques De Decker et Jean Jauniaux, 2017



Extrait de la présentation du livre « La faculté des Lettres » de Jean Jauniaux
(Editions du Banc d’Arguin, Paris , 2010, Epuisé)

"La Faculté des Lettres"  appartient à différents genres. Il n’a aucune prétention académique ou scientifique. Il n’est pas achevé ni exhaustif. Il ne le sera sans doute jamais.
Pour deux raisons.
La première : l’œuvre de Jacques De Decker n’est pas terminée. Au contraire, elle ne cesse quotidiennement de nous interroger, de nous tenir en éveil, de stimuler notre curiosité. Ceci vaut pour son volet critique. Elle se construit aussi, avec une continuité acharnée au cours de laquelle elle aborde toutes les disciplines de l’écriture, mais aussi de la curiosité esthétique.  Comment, dans ces conditions, un livre consacré à l’œuvre de Jacques De Decker pourrait-il prétendre à un état définitif ? La dernière production en date de ce polygraphe ne peut même pas être mentionnée à l’instant d’écrire cette introduction : il doit sans doute, au même moment, rédiger une « Marge » pour le journal Le Soir, une chronique pour la page « Livres » du même journal, une adaptation d’une pièce d’Ibsen ou de Shakespeare, une nouvelle, un roman (celui qui complèterait la trilogie que constitue « La grande roue », « Parades amoureuses », et « Le ventre de la baleine »), une nouvelle biographie, ce genre dans lequel De Decker a peut-être trouvé, nous y reviendrons, un « format » qui lui correspond et qu’il ré-invente.
La seconde raison est plus prosaïque. Ce livre ressemble à un tableau pointilliste. De près, le spectateur verra des éléments épars dont l’assemblage constitue un tout.  Si aucun espace de la toile n’est resté vierge, nous sommes persuadés que d’autres cimaises doivent être préparées pour y accrocher d’autres tableaux, éventuellement réalisés par d’autres peintres, qui offriront au visiteur, à l’érudit, au curieux , au visiteur inattendu de cette galerie de mots, des analyses différentes et complémentaires de l’œuvre protéiforme d’un touche à tout assumé.
            La comparaison avec la photographie pourrait également s’appliquer. Comme la peinture, celle-ci joue de l’instant, de l’émotion et de la lumière. L’une et l’autre cultivent l’éphémère du sujet tout en lui accordant cette bribe d’éternité semblable au murmure qui vous gagne lorsque vous évoquez, en son absence, l’image, la voix, le regard, le sourire d’un absent, d’un ami qu’un voyage a conduit au loin et qu’une phrase lue de lui, ou le parfum d’un mets qu’il appréciait ou encore l’arôme d’une rue dans laquelle vous vous promeniez avec lui, le rappelle soudain à la surface étale de la mémoire et y laisse des cercles concentriques partant de cet instant dont ils naissent et se nourrissent.
                       J’hésite encore au moment d’écrire ces lignes sur le titre à donner à cet ouvrage. « Portrait du passeur », « Les voluptés du traducteur », « Portrait de l’artiste en jeune homme de lettres ». Je choisis au moment de corriger les épreuves « La faculté des lettres ». Le titre dit tout, sans rien enfermer. Chacun de ses termes , « faculté » et « lettres » contient assez de significations différentes pour exprimer la complexité des combinaisons possibles et redire, dès la couverture, l’humilité du portraitiste devant la diversité de son sujet.            
            Le livre est inachevé aussi pour une raisons plus perverse. Les précautions oratoires auxquelles je me livre ici dévoilent la liberté que je m’accorde sous leur alibi, d’être subjectif, imprécis et incomplet. Et puis, pour une fois, le critique n’aura rien à dire d’un ouvrage qui lui est consacré: la déontologie et la modestie l’en empêcheront.
            Ce portrait sera, de toute façon, incomplet.
            Le volume et la variété de la production intellectuelle et artistique de Jacques De Decker interdit l’exhaustivité. En annexe, j’ai assemblé les titres de ce qui est répertoriable : les romans, les recueils de nouvelles, les pièces de théâtre. Mais qui pourrait faire l’inventaire des articles publiés ? Qui oserait prétendre qu’il peut rassembler les débats, les interviews, les articles, les discours, les éloges, les interventions que Jacques De Decker a écrits ou prononcés ? Pourtant, aucun de ces textes, fussent-ils de pure circonstance n’a été écrit dans la désinvolture, même si parfois la hâte de l’actualité pressait la main qui écrivait.  Leur intelligence, leur érudition mais surtout et avant tout l’engagement de leur auteur dans les convictions ou les connaissances qu’il voulait faire partager éclairent chacune des lignes écrites ou prononcées par notre homme de lettres. 
J’ai eu le privilège d’être présent (depuis le début des années septante où j’étais étudiant et lui, déjà, professeur) à de multiples occasions où Jacques De Decker prit la parole. Chaque fois j’ai regretté, et je sais ne pas être le seul, de ne pas disposer alors d’un enregistreur et d’enclencher celui-ci pour pouvoir conserver des traces de ces manifestations éclairées d’une culture (déjà) immense et d’une intelligence à les partager et à les rendre accessibles.
Je me suis « vengé » depuis ces années-là. Lorsque j’ai créé la webradio littéraire « ESPACE LIVRES », j’ai invité Jacques De Decker à y tenir de façon régulière une rubrique « improvisée ». On pourra, en fin de volume, lire la transcription des enregistrements de quelques unes de ces « tables de chevet », des improvisations de Jacques De Decker à propos de livres, d’écrivains, d’événements culturels dont il n’a pas eu la place ou l’occasion de parler dans les marges ou colonnes du Soir. J’ai retrouvé en enregistrant, chez lui ou dans son bureau de l’Académie, ce curieux phénomène que De Decker provoque chez ses interlocuteurs : éveiller et rassasier la curiosité dans un même mouvement de la phrase, qu’avec une gourmandise de jouisseur invétéré il aime à partager.
Je me suis vengé une seconde fois en sollicitant des entretiens thématiques que j’enregistrais au cours de l’été 2008 et dont ce livre se nourrit. Des extraits de ces interviews scandent ce volume, et donnent, comme des illustrations, un éclairage sur leurs éparpillements.
            Le mot « partage » est une des clés de compréhension de ce qui meut Jacques De Decker. Il cultive le goût immodéré de partager, de donner à aimer ce que lui-même a goûté. La pulsion irrépressible de transmettre les émotions ressenties, la réflexion suscitée, l’analyse argumentée, le tout nourri d’une érudition sans limites. Ici le savoir embrasse tous les domaines de la culture: musique, littérature, peinture, bande dessinée, théâtre, opéra, cinéma. A l’érudition s’ajoute ce qui en est le complément indispensable : une curiosité insatiable à laquelle aucun art, aucune science, aucune démarche créative ou savante n’échappent. Dans chacune de ces disciplines,  aucune frontière ne résiste : ni celle des époques, ni celles des genres. La curiosité est à 360 °, et approfondit tous les horizons : en musique Schubert et le Jazz, en littérature Stendhal et Joyce et Ibsen et Schnitzler, mais aussi les contemporains. En tout, dirait-on, Jacques De Decker cherche ce qui appartient au « classique », ce qui mériterait de le devenir. Et là, comme en linguistique, il est un infatigable pourfendeur de frontières.
            Nos chemins se sont croisés en 1970, dans les couloirs de l’Ecole d’Interprètes Internationaux de Mons. Il y commençait déjà sa nième carrière : professeur de langue et littérature dans le département de langue néerlandaise de cet Institut qui, à l’époque, figurait dans le top cinq des Ecoles format des interprètes de conférence et rivalisait dans cet enseignement avec celles de Trieste, de Genève et d’Anvers. Je m’y étais inscrit pour y apprendre le russe et l’espagnol, langues que j’avais choisies pour lire « Don Quichotte » et « Crime et châtiment » dans l’original.
            A notre première rencontre, voulant l’épater, jeune homme que j’étais à 17 ans et qui n’avais peur de rien, je lui ai dit cette motivation. Il a eu ce fin sourire complice pour m’y encourager, comme il le fit par la suite en maintes choses. Aujourd’hui, près de quarante ans après cette première rencontre, je continue d’éprouver le sentiment d’appartenir au cercle privilégié que cet honnête homme trace autour de lui. Un  cercle de craie, bien sûr. Il a loisir ainsi d’en effacer sans cesse le tracé pour l’élargir à de nouvelles rencontres, à de nouveaux étonnements, à de nouvelles curiosités. Un cercle mouvant où il invite à entrer par son amitié, son enseignement, son encouragement à avancer ou simplement, par ce sourire particulier qui s’incurve comme la silhouette d’une barque sous les soleils pétillants de son regard.
            Le chevalet est dressé. Une lumière de février éclaire la toile blanche. Sur une étagère des brosses, des couteaux et des pinceaux. Sur la table, des esquisses et la palette de couleurs.
            J’ai ainsi de quoi à présent m’essayer au portrait du passeur et vous inviter à franchir le seuil de « LA FACULTE DES LETTRES ».

Jean Jauniaux, Saint-Idesbald, 2010.